Le plastique, le net-zéro, le modèle de croissance et le secteur aérien...
The Nature Letter on Sunday #007
Nous pouvons revenir sur quelques nouvelles durant ce mois d’aout qui nous appellent à continuer nos efforts, nos réflexions et nos actions dans les domaines suivants :
La lutte contre les plastiques :
Nous avons appris via le secrétariat de la planification écologique que la France a du payer une amende européenne de 1,5 milliard d’Euros au titre de la “taxe plastique” pour 2023 comparée à 1,2 et 1,3 milliards les années précédentes.
La France n’est pas dans les bons élèves avec seulement 23% des plastiques recyclés (contre un objectif fixé de 40% et d’autres y arrivant comme la Belgique ou l’Espagne avec plus de 50%).
La France s’est pourtant mobilisé sur plusieurs fronts:
La loi Agec (anti-gaspillage pour une économie circulaire) qui prévoit le recyclage de 100% des plastiques à usage unique d’ici 2025.
La France mobilise 300 millions dans le plan “France 2030” pour le recyclage et notamment sur le recyclage chimique (solvant permettant de défaire les polymères de plastique pour refaire du plastique neuf) avec 13 usines prévues en France (sur 44 en Europe) dont le projet de Axens et de Toray Films Europe à Saint-Maurice de Beynost (Ain).
Nous allons donc continuer à suivre ce dossier comme nous l’avons déjà abordé dans notre article sur les plastiques avec deux priorités :
Relever le défi technique et industriel du recyclage des plastiques.
Accélérer et prioriser la réduction des usages du plastique.
Le Net Zéro et le dilemme de l’accès aux programmes de capture du CO2
Pour réaliser l’objectif net-zéro qui consiste à s’assurer que les émissions et les réductions des émissions se compensent, les acteurs économiques doivent faire deux choses :
Réduire au maximum leurs émissions.
Séquestrer les gaz de pollution résiduels dans l’atmosphère via des moyens naturels ( forêts etc) ou technologiques (industries de capture du CO2).
Des scientifiques de Oxford viennent de présenter une proposition de mise en place d’un “budget de séquestration de carbone” partant des principes suivants:
L’industrie de séquestration du carbone est contrainte par les couts et les barrières technologiques et ne pourra satisfaire la demande potentielle totale qui pourrait aller jusque 49 gigatonnes de besoins de séquestration (dans le cadre d’une limite de réchauffement de température à +1.5C)
Les industries selon leur secteur ont des possibilités contrastées de réduction de leurs émissions (par exemple le transport aérien est un secteur difficile). Les secteurs donc difficiles devraient avoir des possibilités supérieurs d’accès aux programmes de séquestration comparés aux autres secteurs dont la priorité devrait vraiment être de réduire leurs émissions.
En conséquence, il devrait être possible d’allouer des budgets de séquestration différenciés et de répartir plus spécifiquement les droits de tirage sur les capacités de séquestration.
Nous continuerons à étudier les enjeux du net-zéro qui est une des batailles cruciales pour la limitation de l’augmentation des températures.
Les limites planétaires et la nécessité de repenser notre modèle de croissance :
Olivier de Schutter, rapporteur spécial de l’Onu sur l’extrême pauvreté et les Droits de l’Homme, souligne dans un rapport nouvellement émis le danger du modèle de croissance actuelle sur l’environnement et les inégalités. Il essaie de démontrer au contraire que cette croyance augmente les inégalités et détruit l’environnement.
Il pointe tout particulièrement les effets structurels négatifs du modèle de croissance actuelle sur le dépassement des limites planétaires , tout particulièrement les émissions de gaz à effet de serre et la biosphère.
Il note ainsi que le développement des technologies vertes et des politiques pour l’environnement ne suffisent pas, malgré des résultats notables, à découpler l’évolution des paramètres de l’environnement de l’évolution du PIB.
il défend d’autres voies que nous pourrons explorer dans des articles ultérieurs en analysant de manière plus détaillée l’évolution des limites planétaires et des facteurs associés.
Le challenge de décarbonisation dans certains secteurs reste très difficile, par exemple le transport aérien :
L’aviation commerciale ne représente que 2.5% des émissions totales mais le secteur est en forte croissance.
L’utilisation de carburants alternatifs (SAF Sustainable aviation fuel) fabriqués à partir de divers composants (huiles usagées, bio carburants etc) reste marginale, avec 0.17% de carburant vert dans les avions en 2023.
L’engagement des compagnies aériennes reste tres contrasté entre :
DHL par exemple qui utilise 3.18% de carburant alternatif alors que Fedex n’en utilise pas du tout et ce malgré un engagement d’en utiliser 30% en 2030.
United Airlines qui est le plus gros consommateur de ces carburants alternatifs parmi les compagnies aériennes américaines n’en utilise que 0.17%.
le plus gros utilisateur de l’aviation commerciale européenne est Air France-KLM avec 1.1%.
Le cout de ces carburants reste trois fois plus élevé que les carburants traditionnels.
Les autorités américaines et européennes ont des approches différentes pour encourager l’utilisation de ces carburants alternatifs :
L’Europe utilise la contrainte réglementaire avec l’obligation d’utiliser 2% de carburants alternatifs dès l’année prochaine.
Les Etats-Unis, eux, abordent le sujet via des subventions des carburants alternatifs sans contrainte réglementaire.
Ces éléments chiffrés illustrent parfaitement le challenge, et résonnent avec le point évoqué ci-dessus sur le challenge de la croissance. En effet, sans changement de paradigme fondamental, nous sommes sur une trajectoire inexorable d’augmentation des émissions des compagnies aériennes dues à la croissance qui sera bien supérieures aux efforts faits pour réduire les émissions grâce aux carburants alternatifs.
Nous continuerons à zoomer sur ces secteurs difficiles qui représentent un défi significatif.
Nous vous souhaitons une bonne fin du mois d’août et une bonne semaine.
Philippe