Pourra t’on éliminer le plastique?
Le point sur l’une des batailles clefs pour notre environnement
La pollution plastique est une des plaies du monde moderne. La conversion de notre économie et nos usages vers un monde sans plastique est un objectif clef pour restaurer un environnement sain pour notre planète.
Selon les analyses des Nations Unies , le monde produit environ 430 millions de tonnes de plastique chaque année dont 2/3 pour des usages uniques (couverts plastiques, sacs plastiques, etc).
Si rien n’est fait, la pollution plastique pourrait tripler d’ici 2060. Les conséquences sont importantes et potentiellement irréversibles :
Les plastiques constituent environ 85% des déchets océaniques.
Seuls 9% des plastiques sont vraiment recyclés alors que 17% sont incinérés, 28% sont dispersés dans la nature (rivières, océans, nature) et 46% remplissent les décharges.
Le plastique ne se dégrade que très lentement dans la nature et produit progressivement des particules de micro plastique très nocives pour la santé. Les humains et la chaîne alimentaire sont déjà intoxiqués aux plastiques car on peut détecter des micro plastiques dans tous les organismes vivants et tous leurs organes.
Il faut aussi visualiser que le plastique est en réalité un sous-produit consubstantiel de l’industrie pétrolière. Il constitue en effet un débouché pour les restes des barils de pétrole non utilisés dans les productions essentielles que sont l’essence, le diesel, le kérosène et les gaz.
Autrement dit, si la production de pétrole continuait alors que la consommation de plastique s’éteignait, alors ces restes de barils non utilisés s’accumuleraient. Et le corollaire de cette situation est que le prix du plastique brut est presque nul. Il faudra donc bien veiller aussi à sortir des combustibles fossiles si nous voulons éliminer « in fine » vraiment et complètement les plastiques.
Tout un chacun est maintenant conscient de cette pollution si facilement visible dans nos campagnes, nos montagnes, nos plages et nos océans et de nombreuses initiatives ont été prises sur plusieurs niveaux :
Les entreprises :
De nombreuses entreprises ont pris des engagements en la matière notamment 500 firmes représentant 20% de la consommation globale de plastique qui ont rejoint le global commitment to tackle plastic pollution » de la fondation Ellen Mac Arthur.
Nous pouvons citer aussi l’exemple d’Amazon qui s’engage sur trois axes :
Supprimer les packagings inutiles en utilisant directement les emballages d’origine des produits sans rajouter de nouveaux emballages.
Remplacer les emballages plastiques par des emballages en papiers recyclables.
Ajouter les emballages papiers à la forme exacte du produit pour éviter de devoir rajouter des cales compensatrices en plastique à l’intérieur du packaging.
Les collectivités locales :
Nous avons publié un article montrant l’exemple de la ville d’Amsterdam qui a intégré la suppression des plastiques dans sa stratégie du « tout circulaire » d’ici 2050.
Nous pouvons voir maintenant que la grande majorité des mairies ont maintenant mis au point des circuits de collecte de plastiques (PET et non PET) permettant un meilleur taux de recyclage.
Les start-ups innovantes en matière de recyclage et de bio plastiques. Il y en a une pléthore et nous citerons juste quelques exemples :
Utilisation d’enzymes microbiennes pour digérer les plastiques : afin de permettre le reconditionnement de vieux textiles en Nylon ou plastique de type PET ( par exemple la société française Carbios qui collabore avec Patagonia, Salomon ou Puma, ou Samsara Eco qui a un partenariat avec Lululemon ).
La production de polymères biosourcés et biodégradables : Le terme de biopolymères désigne les polymères issus de la biomasse et donc produits par des êtres vivants comme les végétaux, les algues, les animaux ou les moisissures. La cellulose et l'amidon sont ainsi des biopolymères ( un exemple de start-up dans ce domaine est Seabird ou encore la société Eranova qui transforme les algues vertes en résines, ou Dionymer qui utilise des matières organiques pour fabriquer des bioplastiques pour les cosmétiques, les additifs et les textiles ).
Ces initiatives sont louables car elles démontrent la possibilité de vivre sans ou avec moins de plastiques d’origine fossile pour tous nos usages quotidiens.
Il faut néanmoins mettre en perspectives les limites importantes rencontrées par ces approches :
Les limites inhérentes au recyclage compte tenu des importantes pertes en ligne (estimées de 20 à 50 %) de ce processus industriel dans l’état actuel des pratiques.
Les limites pour tous les acteurs de tenir leurs objectifs comme le montre le rapport de la fondation McArthur et les communications de nombreuses compagnies abandonnant leurs objectifs originaux ( Mark et Spencer, Burberry , Nestlé, Pespsico etc ). Ces firmes prétendent parfois simplement être « plastic neutral en supposant que le recyclage de leurs produits fonctionne pleinement.
La complexité et les limites des nouvelles solutions technologiques car, par exemple, les nouveaux bioplastiques ont besoin de temps pour être complètement adoptés et adaptés pour la production de tous les produits.
Le manque d’effets d’échelle des nouvelles solutions technologiques qui , pour l’instant, ne réussissent qu’à produire de petites quantités et demanderont du temps et des investissements industriels conséquents pour pouvoir représenter l’alternative principale aux plastiques fossiles.
Ces limites ne permettent donc malheureusement pas pour l’instant de réduire substantiellement la production et l’utilisation des plastiques fossiles. Le plastique reste solidement installé au cœur de toutes les problématiques de consommation et de production de notre société .
Une étude de l’OCDE confirme que la tendance n’est pas bonne et chiffre à 1 trilliard l’investissement nécessaire, hors OCDE, pour arrêter cette pollution. Une initiative d’une association Plastics Europe met aussi en lumière ces limites (estimant dans les pays de l’OCDE à 13.5% le contenu en plastiques circulaires en 2022 et 26.9 % de taux de recyclage à 13.5%)
Nous devons donc non seulement continuer la pleine mobilisation des acteurs de la société civile mais aller au delà et passer par une régulation mondiale contraignante et forte qui sera le seul moyen de porter un coup d’arrêt à la croissance de la pollution plastique.
L’exemple réussi de ce type d’accord auquel nous pouvons nous référer est le traité contre l’ozone signé en 1987 à Montréal et qui a prouvé ses résultats effectifs sur l’atmosphère.
En Mars 2022 sous l’égide de l’ONU, 175 pays se sont mis d’accord pour travailler sur un « Global Plastic Treaty » et se sont donnés deux ans pour aboutir.
En Septembre 2023 un premier texte intitulé « Zéro draft» est sorti des premiers rounds de négociation. Comme son nom l’indique, il s’agit d’un point de départ et la question essentielle est de savoir si cet accord sera finalement « legally binding » c’est à dire légalement contraignant ou juste « volontaire ».
Nous reviendrons sur ce sujet essentiel en suivant les efforts faits dans ces négociations et la conférence prévue pour signer ce traité à Busan en Novembre 2024. Nous continuerons aussi à suivre les efforts des acteurs de la société civile et l’avancée des nouvelles technologies sur ce sujet essentiel.
Philippe