La nouvelle présidence américaine change-t’elle la donne sur le climat ?
The Nature Letter on Sunday #028 - Les annonces anti-climat de la nouvelle administration Trump sont nombreuses, doit-on s’attendre à un tournant sur l'agenda climatique aux USA et dans le monde ?
Les annonces faites par Donald Trump ont été nombreuses durant sa campagne et depuis son investiture à la présidence des Etats-Unis.
Elles ont suscitées immédiatement un mélange de stupéfaction et d’inquiétude, notamment l’annonce de la nouvelle sortie des Etats-Unis de l’Accord de Paris, la relance des gaz fossiles avec le fameux leitmotiv “drill, baby, drill” et la suppression probable des subventions sur les véhicules électriques.
Nous allons donc tenter dans cet article de faire un point plus approfondi sur les premiers pas de l’administration trump en matière climatique afin d’analyser et anticiper les impacts potentiels sur l’agenda climatique des Etats-Unis (USA) et du monde.
Qu’a t’il donc dit et qu’a t’il vraiment fait ?
C’est un défi de répondre à cette question tant la présidence Trump a accumulée les annonces et les mesures depuis le 20 Janvier.
Nous pouvons tenter de les classer dans les chapitres suivants:
Sur les accords internationaux :
La sortie des Accord de Paris et de facto donc la sortie des USA de tous les mécanismes associés comme :
Le soutien et la participation au « United Nations Framework Convention on Climate Change » incluant les soutiens financiers de fonctionnement et les engagements d’investissements pour soutenir la transition énergétique des pays en développement.
La présentation d’un Nationally determined Contribution(NDC) plan qui devait confirmer les engagements et les plans de transition climatique des USA.
La participation des USA aux grandes conférences que sont les COP.
Sur les « Executive Orders » pris par le président et ses déclarations d’intention :
La signature d’une déclaration permettant l’approbation rapide des permis de forages pétroliers et gaziers.
L’autorisation de prospection minière et de fracturation hydraulique sur certains territoires publics précédemment préservés par Joe Biden incluant ceux de la réserve sauvage de l’Alaska et de l’Arctique.
Le blocage de tous les permis pour les projet projets d’éolien offshore précédemment promis par Joe Biden (11 projets pour 19 Gigawatts).
L’annulation des pauses sur les nouveaux permis pour les terminaux d’exportation de Gaz Naturel Liquifié (LNG) précédemment imposées par l’administration Biden.
La révocation de l’ordre de Biden pour assurer que 50% des ventes de véhicules soient électriques en 2030.
L’arrêt probable de la subvention de 7500 dollars pour la tax credit sur les achat de véhicules électriques.
La promesse de revenir sur de nombreuses réglementations environnementales visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre, notamment pour les centrales électriques.
Sur les agences fédérales et les financements dans le cadre de «l’Inflation Reduction Act (IRA)« précédemment signés et promulgués par l'administration Biden :
La Réduction des aides à la recherche scientifique dans les domaines liés à l’environnement notamment les crédits aux agences météorologiques (NOAA) , l'agence de l'environnement (Environnement Protection Agency) EPA et la National Science Foundation (NSF).
La suppression des emplois dédiés à « l’environnemental justice » au sein de l’EPA et au Department of Justice (DOJ). Ces emplois devaient se consacrer a prévenir l’impact environmental sur les communautés (site pollués, protection contre la pollution des communautés pauvres).
La Réduction des aides sur les actions et projets climatiques des agences fédérales qui étaient engagés (EPA, Department of Agriculture, department of Energy etc).
La nomination de fidèles de Donald Trump à la tête des deux agences les plus importantes pour l’environnement, Neil Jacobs à la NOAA et Lee Zeldin à l’EPA.
Quels sont les effets négatifs de ces annonces sur la transition climatique ?
Ce sont clairement des mauvais nouvelles pour l’agenda climatique des USA. Nous pouvons identifier une série d’impacts à court terme :
Sur la recherche :
De nombreux scientifiques se demandent si ils vont pouvoir poursuivre leur travaux dans les domaines clefs pour l’environnement. De nombreux chercheurs et étudiants vont probablement revoir leurs plans et se détourner des USA.
La nature, l’environnement et la biodiversité :
Des zones protégées ne le seront plus.
Les efforts de réduction de la pollution des sites industriels seront probablement initialement ralentis.
La dynamique de la gouvernance internationale.
Les USA avaient retrouvé un certain leadership climatique depuis le retour dans l’accord de Paris sous l’administration Biden. C’est donc à nouveau un retour en arrière.
Les 300 milliards souhaités et nécessaires pour soutenir la transition des pays en développement seront difficiles à réunir sans la participation des USA.
Certains pays en développement vont probablement profiter de ce retrait des USA pour adapter leurs ambitions. Les dernières déclarations de l’Indonésie et de l’Inde sur leur transition sur le charbon semblent aller dans ce sens.
Certains pays pourraient emboîter le pas des USA. Actuellement seuls l’Afghanistan, l’Iran et le Yémen sont en dehors des accords de Paris mais l’Argentine de Xavier Milei a annoncé se poser la question de sa sortie.
La dynamique du secteur privé des entreprises américaines :
Nous avons vu un certain nombres d’entreprises américaines prenant des décisions d’alignement avec la doctrine Trump et réduisant leur engagement dans le domaine environnemental.
C’est par exemple le cas des banques américaines. En quelques semaines, depuis décembre dernier, JPMorgan, Citigroup, Goldman Sachs, Bank of America, Morgan Stanley et Wells Fargo ont quitté la Net Zero Banking Alliance (NZBA).
La dynamique vers le renouvelable et les transports électriques
Les experts de BloombergNEF ont réduit leur projection sur le développement de l’éolien offshore aux USA de 30% par rapport aux projections précédentes.
Ils ont aussi réduit leur estimation de la part des ventes automobiles électriques aux USA en 2030 passant de 50% à 33%.
Mais qu’en sera il vraiment sur le moyen terme ?
Nous pensons que ces nouvelles à priori décourageantes et ces impact négatifs de court terme pourraient ne pas représenter la tendance à moyen terme :
Les décisions immédiates et tonitruantes de Trump pourraient ne pas être toutes suivies d’effets :
Les batailles juridiques des acteurs impactés par les décisions vont se multiplier et pourraient obliger l’administration à retirer à la fin ses décisions.
Notamment, tous les engagements pris par l’administration Biden dans un cadre juridique solide (lois fédérales signées par le congrès et le président Biden) sont à priori de nature à devoir être respectés malgré les annonces contraires de l’administration Trump.
La sortie de l’accord de Paris n’est pas vraiment soutenue par les intérêts privés qui pensent pour beaucoup que cette sortie n’est en fait pas vraiment dans l‘intérêt des USA (Elon Musk et Marty Durbin president of the US chamber of commerce of global energy institute l’ont laissé entendre). Au delà de l’affichage, il est donc probable que l’administration Trump finisse donc par coopérer internationalement sur le climat pour ne pas se mettre hors-jeu.
Le démantèlement promis des lois comme l’IRA pourraient ne pas voir le jour à la fin :
Les financements de l’IRA sont massifs et soutiennent fortement l’économie américaine.
Les intérêts privés sont donc énormes et il n’est pas du tout garanti que les républicains du sénat et du congrès votent l’abandon de ces lois car ils doivent défendre leurs intérêts locaux.
Les acteurs privés, les administrations municipales et les états vont sûrement poursuivre leurs efforts et leurs investissements de transition en harmonie avec la demande de leurs parties prenantes, leurs intérêts stratégiques et le mouvement mondial en marche sur la transition :
Les industriels sont soucieux de ne pas trop perdre de leadership industriel et technologique face à la chine qui est déjà dominante sur les technologies de transition (batteries, solaires, nucléaire) qui se développent à grande vitesse.
Cette évolution de la Chine est particulièrement impressionnante comme je l’ai évoqué dans mon article sur l'électricité verte et sera un élément déterminant.
Les municipalités et les états restent très motivés pour la transition car leurs populations sont toujours en soutien dans de nombreuses juridictions sur ces sujets. Ils vont donc probablement continuer leurs projets.
Les compagnies pétrolières et gazières pourraient ne pas changer de trajectoire fondamentale et ne devraient pas particulièrement tenir compte des encouragements de Trump :
L’industrie du pétrole américaine a fortement crue ces dernières années et elle est déjà proche de la surchauffe.
Elle doit tenir compte des prix et des équilibres de l’offre et de la demande mondiale sans vraiment se soucier des encouragements de Trump.
Elle doit aussi tenir compte du fait que les énergies renouvelables sont maintenant compétitives par rapport aux énergies fossiles dans un certain nombre de cas et elles continueront à investir dans ces nouvelles énergies pour leur diversification stratégique.
Le monde va continuer la transition climatique et accélérer indépendamment des États Unis :
La Chine pourrait même se sentir renforcée du fait des positions de Trump et avoir envie d’accélérer encore son avance en matière de technologies de la transition.
L’Europe a décidé de continuer et de renforcer ses efforts comme l’a confirmé encore Ursula Van der Leyen dernièrement.
L’Inde et les autres pays émergents sont aussi conscients de cette dynamique et ne voudront pas rester de coté.
En conclusion, nous pensons que :
Les annonces de Donald Trump n’auront pas d’effets majeurs à moyen terme sur la transition climatique aux USA et dans le monde une fois dissipée la surprise initiale de ses annonces chocs.
Le mouvement de fond à l’échelle mondiale sur la transition climatique va continuer indépendamment des USA.
Les acteurs américains vont vouloir ne pas s’isoler de cette mouvance et leurs intérêts économiques et stratégiques vont leur imposer au contraire d’intensifier leurs efforts notamment dans la compétition avec la Chine.
Nous continuerons à suivre les évolutions aux Etats-Unis et vous informerons de tout développement notable dans nos articles futurs.
Bonne semaine
Philippe Ricard
https://o2nature.substack.com