Et pendant que le monde se fracture, la COP16 a pu produire des résultats positifs pour la biodiversité !
The Nature Letter on Sunday #031 - Les parties réunies fin février à Rome ont pu finalement mettre au point un système de financement pour la biodiversité...
Nous vivons une période où le monde se fracture. les Etats-Unis se retirent des financements multilatéraux depuis l’élection de Donald Trump et d’autres pays, y compris en Europe, ont décidé de réduire leurs fonds pour l’aide au développement et au financement pour la transition climatique des pays du Sud.
Les réunions multilatérales sur le climat ont connu récemment de grandes difficultés et notamment la COP16 à Cali en Colombie à la fin de l’année dernière achoppant notamment sur les questions de financement et de création éventuelle d’un fonds sur la biodiversité.
Et pourtant, de facon surprenante et positive, la COP16 s’est réunie à nouveau à Rome du 25 au 27 Février et a abouti à des résultats positifs !
Il est donc intéressant de rappeler les objectifs de la COP16, comprendre la signification des résultats obtenus et prendre un peu de champ pour un point un peu plus large sur la biodiversité.
Pourquoi la biodiversité et les COP qui cherchent à la protéger sont importantes ?
Pour rappel, la COP16 est la “16ème conférence des parties” consacrée à la biodiversité.
La biodiversité est cruciale pour l’avenir de la planète comme nous l’avons vu dans plusieurs de nos articles intitulés “Biodiversité et Climat, comment pouvons nous faire levier sur la nature” , “Pourquoi la forêt est une priorité?”, «Pourquoi devons nous protéger et restaurer les "forêts bleues"?
Dans ces articles, nous avions parfaitement souligné les liens étroits entre la biodiversité et le climat :
Si un milieu est riche sur le plan du vivant et sur le plan biologique, il est fortement probable qu’il s’agit d’une zone sans pollution chimique avec de l’oxygène, de l’eau en abondance et des sols riches en carbone permettant aux végétaux, faune et flore et toute la chaîne du vivant connexe à ceux-ci de s’épanouir (micro organismes, invertébrés, pollinisateurs). Ce milieu est sûrement intensif en photosynthèse et donc en stockage de Carbone et contribue ainsi à la maitrise de notre CO2 atmosphérique.
À contrario, une zone sans diversité biologique est systématiquement corrélée soit à de l’aridité, de la pollution, des sols pauvres, un monde végétal pauvre et donc un milieu avec peu de faune et de flore, peu de photosynthèse et donc un milieu sans capacité de stockage de carbone voir même un milieu émetteur net de carbone.
Un bon indicateur sous-jacent à la biodiversité est sûrement le taux de carbone stocké dans le sol. Si il y a suffisamment de carbone dans le sol cela veut dire qu’il y a de la vie dans le sol et au dessus avec de la photosynthèse active permettant aux espèces naturelles de se developper dans un habitat favorable à la vie.
Des progrès historiques ont été réalisés grâce à l’accord de la COP15 à Montréal à travers l’accord intitulé le Kunming-Montréal Global Biodiversity Framework (GBF) qui se préoccupe notamment de trois grands objectifs clefs pour notre planète :
la préservation de 30% des mers et des terres d’ici 2030.
la réduction des pollutions.
La réduction du risque des pesticides.
La COP16 s’est réunie à nouveau en Février à Rome pour tenter de résoudre les difficultés rencontrées sur la question du financement lors de la conference de Cali en Colombie en fin d’année 2024.
Sa mission était de permettre de s’accorder sur une stratégie pour mobiliser des ressources (de toutes origines publiques, privées, multilatérales) pour allouer jusqu’à 200 milliards annuellement pour la biodiversité d’ici 2030 .
Pourquoi l’accord obtenu à Rome lors de la deuxième session de la COP16 est important ?
Les résultats de cette réunion à Rome ont constitué une bonne surprise. La mission a été en effet plutôt bien accomplie avec les avancées suivantes :
Un mécanisme permanent a été entériné permettant la mobilisation des fonds.
Une procédure opérationnelle a été agrée en donnant au secretariat exécutif de la Convention for Biological Diversity (CBD), l’organisateur des COP sur la biodiversité, le mandat de mettre en place un dialogue avec les ministres de l’environnement et des finance des pays développés et en développement.
Un calendrier a aussi été arrêté pour «opérationnaliser» cette mobilisation financière sur les trois prochaines COP de la biodiversité :
La COP17 (en Arménie) pour établir les critères de financement.
La COP18 pour décider du véhicule de financement et notamment de la mise en place d’un nouveau fonds.
La COP19 pour être complètement opérationnel en 2030.
Quels sont les points d’attention ?
La route est encore longue pour dégager ces 200 milliards de financements car les engagements pris sont plutot des engagements de principe et non pas encore des engagements concrets des differents pays.
Concernant les autres objectifs de la COP16,
Les efforts pour la publication et le partage de plan d’actions nationaux sur la biodiversité par les pays sont plutôt laborieux. C’est un objectif majeur et à ce stade il est loin d’être respecté.
Moins de 50% des 137 pays ayant publié leurs plans s’engagent à ce stade sur la protection de 30% des terres et des mers.
Sept des dix sept pays ayant un grand patrimoine de biodiversité ne se sont pas pour l’instant engagés, notamment l’Indonésie, la Malaysie, le Mexique, le Pérou, les Philippines et l’Afrique du Sud.
Le Brésil dont on connaît l’importance pour le monde de la biodiversité n’a encore pas soumis son plan.
Selon le rapport “Protecting Planet report 2024” , seulement 17.6% des terres et 8.4% des Océans sont pour l’instant protégés.
La mobilisation de fonds privés (Private capital fonds à impact, «Blue and Green» bonds) seront cruciaux pour protéger, restaurer et développer la biodiversité. Le financement privé pourrait souffrir du “climat” né des élections américaines poussant pour un retrait des financements privés sur les objectifs environnementaux.
Finalement, la clef sera la réussite des projets de conservation :
Nous pensons en effet que la réussite de projets ambitieux de biodiversité peut et doit faire la différence.
Si la société civile est enthousiaste sur ces projets, alors les gouvernements et les investisseurs privés se mobiliseront et financeront ces projets !
Nous voyons cette réussite s’appuyant sur trois échelons complémentaires de projets :
La mise en place de grands projets emblématiques et réussis de protection de la nature
Ces projets seront ceux qui permettront d’attendre la barre des 30% de zones protégées.
Ceux-ci seront aussi ceux qui permettront aux populations de prendre conscience de l’importance et la beauté de la nature, de conserver les espèces biologiques les plus fragiles, et de conserver ou développer les «poumons en oxygène» de notre planète.
Nous pouvons penser ainsi à des exemples historiques réussis comme les grands parcs nationaux aux Etats-Unis.
Nous pouvons citer deux projets exemplaires en cours :
Le projet de création d’une forêt primaire en France par l’association du botaniste Francis Hallé qui consisterait en la création d’un espace forestier vierge de 47000 hectares dans le nord-est de la France.
Le projet de réserve Rimba Baya en Indonésie qui protège une aire très riche en biodiversité de la forêt tropicale indonésienne.
L'établissement de zones semi-protégées sur des territoires écologiques variés permettant une cohabitation fructueuse entre la population et la nature :
Ces zones permettent un équilibre entre l’activité économique et la conservation de la nature.
Nous pouvons penser à l’expérience des parcs régionaux en France qui sont des bons exemples de cet échelon de projets.
Il pourrait s’agir aussi de zones semi-protégées aux périphéries des zones de protection majeures ou à l’opposé proches des villes.
La généralisation de «spots» de biodiversité de proximité dans les milieux urbains et agricoles
Ces zones permettent de recréer des points de biodiversité les plus nombreux possibles et si possible systématiques :
Parcs dans les villes ou en proximité.
Zones végétalisées dans le milieu urbain ou industriel.
Formations propices à la biodiversité dans les milieux agricoles (Haies, bocage, marais etc) .
Ces zones, ponctuant l’ensemble du paysage urbain et agricole, permettront d’adoucir les pollutions liées à l’activité économique.
Nous avons aussi identifier dans nos articles l’importance de penser, autour de ces zones, des modèles économiques et sociaux positifs incluant :
Le «carbon finance » :
Le financement de ces espaces par la vente de crédits carbone est très important et doit se développer comme un mécanisme important pour la mise en place de zones protégées.
Ces financements peuvent aussi accompagner certains modes d’agriculture soucieuse de l’environnement en leur reconnaissant leurs bienfaits écologiques.
les zones d’activités spécialisées compatibles comme l’agro-foresterie :
Ce mode de culture permettant de produire des aliments tout en conservant l’environnement doit être favorisé et pourrait tout particulièrement se développer dans les zones semi-protégées ou en périphérie des grands parcs.
Les zones éco-touristiques et la recherche fondamentale et appliquée sur la biodiversité :
Le développement de tourisme de faible volume et à haute valeur permet de financer les zones protégées tout en développant la prise de conscience et l’adhésion à l’importance de protéger la nature.
La formation notamment pour les jeunes générations avec immersion dans l’environnement seront un élément important pour le long terme.
La recherche sur l’environnement permet aussi cette connaissance et conscience de l’importance de l’environnement. Nous pouvons ainsi noter l‘impact utile de la parole des scientifiques dans l’espace public comme les botanistes et forestiers ces dernières années (par exemple Ernst Zürcher, ingénieur forestier suisse avec son livre «les arbres, entre visible et invisible », Francis Hallé, botaniste français avec ses conférences/livres sur «la vie des arbres», Peter Wohlleben écologue allemand avec son livre «la vie secrète des arbres»).
Comme certains philosophes l’ont écrit le «pire n’est jamais certain». Malgré un environnement très négatif à l’échelle internationale, un accord de financement de la biodiversité a pu tout de même être signé par la COP16 fin février à Rome. La route est encore très longue mais ce résultat et la prise de conscience de l’importance cruciale de la biodiversité doit nous conduire à soutenir et participer aux nombreux projets publics et privés. Nous continuerons à suivre ces projets dans nos articles futurs.
Bonne semaine
Philippe
https://o2nature.substack.com