Biodiversité et Climat, comment pouvons nous faire levier sur la nature ?
The Nature Letter on Sunday #014 - La Nature est notre premier levier
La COP16 sur la biodiversité se déroule en ce moment jusqu’au 1er Novembre à Cali en Colombie. Nous prenons cette occasion de partager les enjeux autour de la biodiversité et de comprendre les liens avec le climat et l’environnement.
Rappelons brièvement ce qu’est la COP 16 pour la biodiversité et ses objectifs.
La COP16 est une des trois conférences nées au sommet de la Terre qui s’est tenu à Rio de Janeiro en 1992. Ces trois Conférences des Parties (COP) couvrent les trois grandes priorités du sommet :
Le climat avec la prochaine COP29 prévue en Novembre à Bakou en Azerbaïdjan.
la biodiversité donc avec la COP16 en cours à Cali en Colombie.
La lutte contre la désertification et pour la résilience des sols avec l’autre COP16 qui aura elle lieu en Décembre à Ryad.
La conférence de Cali réunit donc près de 14000 personnes incluant aussi quelques chefs d’états (mais malheureusement aucun des chefs d’états des grandes puissances). Elle reçoit les autorités de près de 100 pays et des institutions privées notamment quelques grandes banques internationales comme par exemple JP Morgan ou HSBC.
Son objectif principal est la mise en œuvre de l’accord de Kumming-Montréal ( signé lors de la COP15 qui s’est tenu à Montréal en 2022) avec 23 objectifs dont notamment :
la préservation de 30% des mers et des terres d’ici 2030.
la réduction des pollutions.
La réduction du risque des pesticides.
Le programme des deux semaines doit travailler sur les grands chapitres suivants :
Les indicateurs de suivi de la biodiversité et la mise au point d’indicateurs pour mesurer la Biodiversité.
Sensibiliser et mobiliser pour contrôler la « bio-piraterie » , c’est à dire le prélèvement potentiellement excessif dans la nature de molécules/plantes par exemple dans les grandes forêts équatoriales.
La publication et le partage de plan d’actions nationaux sur la biodiversité par les pays. C’est un objectif majeur de la conférence.
La mobilisation de fonds publics et privés (Private capital fonds à impact, Blue and Green bonds) pour protéger, restaurer et développer la biodiversité. Le financement est aussi le point crucial de cette conférence pour comprendre le niveau d’engagement des acteurs sur ce sujet.
Les dernières nouvelles de la conférence à ce jour montrent que, comme nous pouvions nous y attendre, les progrès sont assez difficiles :
Les négociations sur le volet finance de la biodiversité sont bloquées après une semaine de discussions et elles seront certainement difficiles à conclure.
La publication des plans d’actions nationaux sera le « highlight » de la semaine prochaine. Pour l’instant seule la Colombie a publié son plan d’action stratégique pour la biodiversité. Il faudra donc voir si les autres nations s’engagent la semaine prochaine sur des plans suffisamment ambitieux.
Nous verrons bien sur les résultats à la fin de cette conférence mais de toute façon il faut rappeler qu’il s’agit d’un effort au long cours qu’il faudra continuer à soutenir.
Regardons maintenant les fondamentaux pour comprendre les enjeux de la Biodiversité
Définition de la biodiversité
La biodiversité signifie la diversité de la vie sur les plans des écosystèmes (milieux naturels), des espèces (animaux, insectes, plantes, champignons, micro-organismes) et des gènes, c’est-à-dire la variété des individus d’une même espèce.
Forte corrélation entre la biodiversité et le Climat
Nous avions développé dans un article sur les forêts bleues les raisons devant nous pousser à restaurer et protéger les mangroves. Nous avions parfaitement souligné les liens étroits entre la biodiversité et le climat à travers cet exemple particulier .
Si un milieu est riche sur le plan du vivant et sur le plan biologique, il est fortement probable qu’il s’agit d’une zone sans pollution chimique avec de l’oxygène, de l’eau en abondance et des sols riches en carbone permettant aux végétaux, faune et flore et toute la chaîne du vivant connexe à ceux-ci de s’épanouir (micro organismes, invertébrés, pollinisateurs). Ce milieu est sûrement intensif en photosynthèse et donc en stockage de Carbone et contribue ainsi à la maitrise de notre CO2 atmosphérique.
À contrario, une zone sans diversité biologique est systématiquement corrélée soit à de l’aridité, de la pollution, des sols pauvres, un monde végétal pauvre et donc un milieu avec peu de faune et de flore, peu de photosynthèse et donc un milieu sans capacité de stockage de carbone voir même un milieu émetteur net de carbone.
Un bon indicateur sous-jacent à la biodiversité est sûrement le taux de carbone stocké dans le sol. Si il y a suffisamment de carbone dans le sol cela veut dire qu’il y a de la vie dans le sol et au dessus avec de la photosynthèse active permettant aux espèces naturelles de se developper dans un habitat favorable à la vie.
Nous pouvons aussi rappeler notre article récent sur les 12 technologies clefs pour décarboner la planète qui incluait précisément une famille de solutions naturelles pour le climat permettant de capturer et stocker du carbone tout en favorisant fortement la biodiversité.
Rappelons ce que nous avions résumé sur ces solutions :
La restauration et développement de forêts, restauration de tourbières, restauration de mangroves, restauration après incendies et gestion des savanes.
Les techniques agricoles de réduction de carbone comme la culture d’arbres sous les cultures, optimisation des pâturages, optimisation des cultures de couverture.
Il reste à améliorer et à standardiser les mesures et les crédits (Crédits carbone, Crédits biodiversité, Crédits nitrogène, Crédits eau).
Les innovations les plus récentes incluent la restauration de marais salants, de mangroves, et la culture d’herbes marine, les forêts de varech, les fermes d’algues marines.
Comment pouvons nous recréer ou développer la biodiversité ?
Voyons brièvement des exemples d’amélioration de la biodiversité dans différents milieux :
Les espaces naturels
La sanctuarisation d’espaces en parcs protégés sans activité humaine permettant aux éco-systèmes de s’épanouir. Il s’agit par exemple des parcs nationaux.
La protection des grandes forêts primaires africaines et amazoniennes et le projet de pouvoir peut être recréer des forêts primaires en Europe.
L’établissement de zones maritimes protégées sans activité humaine.
Ces espaces naturels sans activité humaine sont typiquement des zones avec une grande biodiversité (par exemple la forêt amazonienne est une zone exceptionnellement riche en espèces biologiques (faune et flore et microorganismes) et notamment abritent souvent les espèces en voie d’extinction ou tout simplement les espèces rares.
Les grands espaces forestiers (Amazonie, forêt africaine) constituent aussi des puits de carbone de grand volume jouant un rôle crucial pour la régulation des cycles climatiques et hydrologiques de la planète. Il faut donc absolument protéger ces zones.
Les zones agricoles et sylvicoles
Le développement de l’agroécologie et la mise en place de haies, d’arbres et de cultures couvrantes pour recarboner les sols. Les haies et les cultures d’espèces variées ainsi que le bon niveau de carbone dans le sol permettent à la biodiversité de se développer dans les sols (microorganismes, vers, champignons) et sur les végétaux (insectes pollinisateurs).
la réduction de l’agriculture intensive et la réduction des pollutions par les produits phytosanitaires (pesticides) permettent des rendements corrects grâce à une bonne pollinisation et une meilleure collaboration végétale avec des insectes et des microorganismes.
La culture de plantes anciennes pour continuer à développer et surtout maintenir une bonne diversité génétique essentielle pour la résistance et l’adaptation des espèces au changement climatique.
La mise en place de mode d’agriculture innovante comme la permaculture et l’agroforesterie. Ces modes de culture visent à combiner au mieux la production agricole et le maintien dans les meilleures conditions des cycles biologiques et des écosystèmes.
La restauration des rivières et des lacs permettent de recréer des espaces aquatiques riches en espèces biologiques.
La reforestation doit être conduite en respectant la diversité des espèces végétales. Il est aussi possible de laisser des zones non exploitées pour régénérer des vieux arbres et des écosystèmes forestiers encore plus riches en biodiversité.
Les zones urbaines
Le développement en villes de zones vertes, coulées vertes , jardins urbains avec végétaux et ruches par exemple sur des surfaces disponibles par exemple les toits des surfaces commerciales ou les terrains vagues.
L’utilisation de la végétation pour tempérer la chaleur et réduire la surface du bitume contribuant ainsi à la résilience et l’adaptation au réchauffement climatique. Il est démontré que ce type d’adaptation urbaine permet d’atténuer les canicules et également d’améliorer l’absorption d’eau lors des épisodes violents d’averses pour modérer les inondations.
Les villes qui mettent en place ces zones vertes voient se développer de la biodiversité locale (oiseaux, insectes, petits mammifères).
Les zones maritimes
La bonne gestion durable de la pêche et l’élimination de la surpêche.
La dépollution des océans qui permet de retrouver de la biodiversité marine notamment grâce à la réduction de la pollution des eaux usées, la réduction des pollutions du trafic maritime et le combat contre les pollutions plastiques.
Notre mobilisation pour améliorer la biodiversité est donc essentielle au climat.
L’utilisation de solutions naturelles est la première priorité dans nos efforts compte tenu des bénéfices uniques de ces solutions au delà du climat sur l’environnement, la qualité de vie, et la santé humaine.
Les solutions innovantes de la bioéconomie sont elles aussi un levier prometteur indirect de la nature ?
Au delà des solutions pour remettre la nature en marche, nous avons aussi la possibilité d’utiliser la biologie dans toutes ses potentialités pour répondre aux besoins de la société et remplacer des technologies carbonées ou/et polluantes par des technologies mobilisant la potentialité de la nature dans ses formes diverses :
Le développement de la génétique et biologie synthétique permettant de créer et cultiver des plantes, des microbes et des cellules adaptées pour mieux répondre à nos besoins.
La capacité de réutiliser les déchets organiques pour produire de l’énergie.
La création de structures d’origine biologique pour produire des biomatériaux voir produire des bioorganes permettant d’être utilisés dans la médecine et la construction.
J’ai listé ci-dessous quelques exemples concrets pour illustrer l’utilisation de la bioéconomie. Ces solutions sont déjà existantes au minimum à l’état de prototype et pour certaines sont déjà passées en mode industriel :
L’ingénierie génétique des plantes pour créer des cultures résistantes à la sécheresse, les inondations ou les maladies.
L’Ingénierie des tissus permettant de cultiver des cellules pour recréer des tissus greffés par exemple pour les grand brulés.
La culture de cellules pour faire de la viande en laboratoire.
L’utilisation de la biomasse pour produire des bio fuels par exemple du bio éthanol ou du biogaz.
L’utilisation de la biomasse ou de fibres de bois ou d’algues pour produire des bio-plastiques.
L’utilisation de la biomasse pour produire des additifs alimentaires.
L’utilisation de microorganismes pour colorer les textiles, dégrader les plastiques, récupérer des métaux rares sur des déchets, ou produire de l’acide hyaluronique pour les cosmétiques.
L’utilisation de déchets pour produite des aliments pour bétail.
L’utilisation de chanvre et de champignons pour produire des matériaux de construction.
L’utilisation de micro-organismes, d’algues ou de champignons peut être infinie. En revanche, il faut veiller à ce que l’utilisation de la biomasse ne vienne pas en concurrence avec les deux plus grandes priorités des cultures :
la fourniture de services écosystémiques (séquestration de carbone, hébergement de la bio diversité).
La production de nourriture.
Pour finir, l’observation et la compréhension scientifique de la nature peut aussi nous permettre grâce au biomimétisme la mise au point des solutions innovantes extrêmement performantes en imitant la nature dans la mise au point de nouvelles technologies . Nous reviendrons sur ces techniques particulièrement intrigantes et passionnantes dans un article futur.
En conclusion, nous pouvons nous émerveiller sur le miracle de la nature avec son grand témoin qu’est la biodiversité. La nature a mis au point des mécanismes très puissants pour réguler la planète.
Protéger, renforcer, stimuler, imiter la nature peut nous permettre de répondre à de nombreux enjeux en matière climatique mais aussi des enjeux d’environnement, de bien être et de santé. Nous reviendrons sur toutes les facettes et les solutions de la remise en marche de la nature dans nos articles futurs.
Bonne Semaine
Philippe Ricard
Https://o2nature.substack.com/