Les scientifiques pourront-ils convaincre les climatosceptiques ?
The Nature Letter on Sunday #025 - Les faits naturels et les recherches scientifiques s’accumulent pour confirmer le rôle de l’homme dans les phénomènes climatiques
Lors du passage en fin d’année 2024 , les scientifiques ont confirmé de nouveaux records pour les principales mesures du changement climatique :
Les températures moyennes sur terre ont dépassé pour la première fois la barre psychologique d’une augmentation de +1.5°C depuis l'âge préindustriel.
La teneur en CO2 atmosphérique a aussi atteint son nouveau record de 429 ppm (parties par million).
Le total des émissions de CO2 a aussi dépassé ses niveaux précédents atteignant 41,6 milliards de tonnes selon le Global Carbon Project Science Team.
Grâce à l’accumulation de faits, les scientifiques vont ils enfin pouvoir convaincre les climatosceptiques ?
Regardons donc d’un peu plus près les données.
L’augmentation des températures s’accélère effectivement de manière exponentielle.
La courbe des instituts de recherche internationaux américains et européens aboutissent tous à la même conclusion. Le graphe ci-dessous montre les mesures des cinq instituts de recherche les plus importants. Nous voyons aisément le caractère exponentiel et non plus linéaire de cette augmentation des températures.
Une certaine accélération due au phénomène climatique bien connu El Nino peut expliquer une partie de l’accélération supplémentaire de 2023 et 2024 mais la tendance reste évidente.
Cette augmentation de température s’accompagne d’une élévation continue des concentrations atmosphériques de CO2.
La référence pour suivre dans le temps l’évolution des concentrations atmosphériques de CO2 est la mesure par le National Oceanic and Atmospheric administration (NOAA) prise dans le Pacifique à la station de Mona Loa (Hawaï).
La encore, le graphe ci dessous est sans appel et donne un peu le vertige.
Des émissions fossiles qui continuent d’augmenter.
Comme je l’abordais dans mon introduction, les mesures du Global Carbon Project Science Team montrent clairement des augmentations régulières des émissions.
La courbe ci-dessous est nette quant à l’augmentation même si elle laisse entrevoir pour les optimistes une possibilité de tendance vers un plateau après 2030.
En effet pour atteindre un plateau, les efforts de maitrise des émissions devront se maintenir notamment en Europe (pour confirmer le début de baisse), aux USA (pour réussir à baisser) et se développer pour la Chine, l’Inde et le reste du monde pour qu’ils puissent enfin stabiliser leurs émissions.
Nous reviendrons sur la question de la maitrise des émissions dans des articles futurs car nous savons qu’elles sont le moteur principal du réchauffement climatique. La maitrise de celles-ci est la clef pour résoudre le problème à long terme du réchauffement.
Les évènements climatiques extrêmes s’intensifient et sont aggravés par le réchauffement climatique induit par l’action humaine.
Les recherches scientifiques sur le sujet sont nombreuses. Nous en prendrons deux exemples :
L’étude produite par le United nations Disaster Risk Reduction Office (UNDRR) :
Elle répertorie 7348 désastres naturels sur la période 2000-2019 ayant tué 1.23 millions de personnes et ayant occasionné 2.97 trilliards de dégâts.
Ces chiffres sont beaucoup plus élevés que ceux de la période 1980-1999 comptabilisant 4212 désastres ayant tué 1.19 millions de personnes et ayant occasionné 1.63 trilliard de dégâts.
Sur ces chiffres les évènements directement liés au changement climatique ont augmenté de 83% entre les deux périodes (tempêtes, inondations, sécheresses, feux sauvages, vagues de chaleurs).
Une étude de Carbon Brief a essayé d’analyser de manière très détaillée 750 évènements climatiques extrêmes. Sur le graphe ci dessous nous voyons en rouge que la grande majorité de ces événements sont directement attribués au changement climatique induit par l’homme.
Les données sont donc claires mais la controverse est encore tout à fait possible !
Le climat de la terre et les modèles scientifiques tentant de l’expliquer sont complexes et intègrent de nombreuses variables.
Les explications simples et incontestables sont malheureusement impossibles et les interprétations et les avis contradictoires sont toujours possibles.
En effet les facteurs expliquant le montant d’énergie atteignant/restant sur la terre sont nombreux :
Les gaz à effets de serre comme le CO2 et le CH4 (méthane) qui réduisent la fuite de chaleur de la terre vers l’espace génèrent du réchauffement.
Les aérosols, comme les sulfures, issus de l’activité humaine ou les volcans renvoient eux le rayonnement solaire vers l’espace et génèrent donc du refroidissement.
Les effets de surface et l’effet »Albédo» (niveau de réflection des rayonnements solaires par le sol). Par exemple :
La déforestation (refroidissement du à l’augmentation de l’albédo mais par ailleurs refroidissement lié à l’évapotranspiration des arbres).
La réduction des surfaces neigeuses (réchauffement du à la réduction de l’albédo).
Ces effets de surface sont très complexes et doivent prendre en compte une multitude d’autres paramètres difficile à modéliser ( dégel des permafrost , températures des océans, etc).
L’ozone qui est un gaz à effet de serre particulier avec un rôle de réchauffement dans les couches basses de l’atmosphère et un rôle de protection contre les radiations du soleil ( donc refroidissement) dans les couches hautes.
L’activité solaire. Le rayonnement du soleil évolue dans le temps et aussi varie en fonction de l’évolution de la position en orbite de la terre par rapport au soleil.
L’activité volcanique génère de grosses quantités de chaleur durant les grosses éruptions (sans compter bien sur les effets d’émissions de sulfures et de gaz à effets de serre mentionnés par ailleurs).
Se plonger dans les études qui expliquent pourquoi l’homme est responsable de 100% du réchauffement sont complexes et peuvent encourager le scepticisme sur leur degré de solidité.
De plus l’histoire de la terre montre des évolutions naturelles similaires à ce que nous connaissons avant toute action humaine ce qui peut laisser croire que ce que nous vivons est un cycle tout à fait naturel comme nous en avons eu dans le passé.
En effet les cycles géologiques connus avec les périodes de glaciations et d’inter-glaciations montrent des augmentations (et respectivement diminutions) des taux de CO2 atmosphériques et des températures.
L’explication simple de ces cycles est la suivante :
À la fin d’une ère glaciaire, il y’a un changement cyclique de l’orbite du soleil autour de la terre. La dernière ère glaciaire s’est déroulée entre 120000 ans jusqu’à environ 11500 ans avant la période actuelle.
Ce changement d’orbite génère une augmentation du rayonnement solaire atteignant la terre générant ainsi un réchauffement des terres et des mers.
Ce réchauffement génère une augmentation de CO2 du fait de la fonte des sols gelés relâchant les gaz carboniques et l’eu de mer se réchauffant réduit sa capacité d’absorption du CO2 atmosphérique.
Cette augmentation de CO2 a lui-même un effet procyclique d’effet de serre accélérant le réchauffement pour atteindre des températures proches des températures actuelles.
Quelques dizaines de milliers d’années après, l’orbite du soleil change de nouveau pour réduire le montant d’activité solaire atteignant la terre et lui faire retrouver une ère glaciaire avec des températures chutant à environ -4 ou -6° par rapport à la moyenne et ce faisant faisant chuter les taux de CO2 atmosphérique.
Nous pouvons voir ci dessous ces phénomènes sur 800000 ans à travers les mesures prises dans les carottes de glaces prélevées en profondeur dans la calotte glaciaire en Antarctique.
Ils permettent de mesurer en rouge les températures et en bleu les concentrations de CO2.
On peut voir donc des oscillations similaires avec ce que nous connaissons aujourd’hui !
Mais néanmoins l’observation attentive de cette courbe montre une divergence très nette sur le dernier cycle.
Le montant de CO2 atteint un niveau jamais observé sur la courbe bleue.
Historiquement sur les 800000 dernières années celui-ci n’a en effet jamais été supérieur à 300 ppm alors que nous avons vu que nous sommes maintenant à 430 ppm.
C’est donc un autre signal clair que l’augmentation du taux de CO2 auquel nous assistons inclurait un composant non naturel.
En conclusion, nous pouvons dire que :
Les arguments scientifiques pour convaincre les climatosceptiques sincères et rationnels sont nombreux car les faits s’accumulent.
La complexité scientifique du sujet climatique rend toutefois les controverses encore possibles. Ce qui permet donc aux climatosceptiques lorsqu’ils sont motivés politiquement et économiquement de poursuivre leurs argumentations.
En revanche nous pensons que l’occurrence d’événements climatiques extrêmes (comme par exemple l’ouragan Katrina, les feux de Los Angeles, Les inondations de Valence etc) lorsqu’ils se dérouleront dans les pays occidentaux auront une portée considérable sur les réseaux sociaux et l’opinion publique. Ils permettront certainement de progresser sur la prise de conscience (plus que les faits scientifiques) et convaincre l’ensemble de la population et des dirigeants du besoin impérieux d’agir.
Bonne semaine
Philippe
Https://o2nature.substack.com