Et si les micro-organismes pouvaient jouer un rôle décisif pour l’environnement?
the Nature letter on Sunday #018 - les révolutions biotechnologiques permettent d’envisager des solutions innovantes pour l’environnement
Nous allons découvrir cette semaine les possibilités infinies offertes par les micro-organismes (bactéries, levures et champignons, algues) pour notre adaptation au changement climatique et notre transition vers un monde en harmonie avec la nature.
Les microbes sont déjà présents partout dans la nature et dans notre économie.
Les microbes sont les plus connus des micro-organismes et sont souvent associés aux maladies ou à la décomposition. En revanche, dans la nature et pour l’espèce humaine, nous savons tous que les micro-organismes sont aussi essentiels pour la vie.
Marc-André Selosse dans son livre « jamais seul » explique très bien les grandes familles de collaboration entre les microbes et les végétaux et animaux.
On peut rappeler quelques exemples marquants du rôle important des microbes dans la nature et dans notre économie :
Les symbioses entre les végétaux et les micro-organismes notamment les champignons (mycorhizes) et les bactéries (par exemple pour la fixation d’azote)
Le microbiote humain et des vaches sont essentiels aux fonctions métaboliques et de digestion.
L’alimentation humaine utilise les microbes dans sa grande diversité de fermentation bactérienne et de levures (pain, vin, bière, yogourt, fromages etc).
Le traitement des eaux usées s’appuie essentiellement sur les microbes.
La microbiologie industrielle est déjà présente dans de nombreux secteurs :
L’agro-alimentaire (agent de saveurs, émulsifiants).
La production de solvants (acétone, butane).
Les produits pharmaceutiques essentiels (antibiotiques, vitamines, acides aminés, insuline, hormone de croissance, anti-tumoraux, anti-inflammatoires).
Mais pourquoi et comment les micro-organismes peuvent faire la différence pour l’environnement?
Des possibilités maintenant infinies se développent grâce aux révolutions biotechnologiques.
Rappelons d’abord que les micro-organismes sont en effet des petites usines biologiques géniales car ils sont capables d’une grande diversité de réactions biochimiques pour :
La production de biomasse.
La dégradation, la transformation ou la production de substances organiques ou minérales (enzymes, protéines).
La révolution récente de la biotechnologies et de la biologie synthétique ouvre des voies particulièrement prometteuses :
La biologie synthétique de précision permet de créer du matériel génétique spécifiquement conçu pour un usage précis :
Grâce aux techniques de génétique moderne, par exemple Crispr-cas9, les possibilités de construction de briques d’ADN à des fins spécifiques sont presque infinies.
Les spécialistes de génétique ont mis en place un registre avec plus de 20000 « biobricks » et continuent d’en construire quotidiennement des nouvelles.
Les techniques de biochimie couplées à l’intelligence artificielle permettent de modéliser les séquences génétiques afin de produire des protéines et des enzymes les plus adaptés aux usages que l’on recherche.
Le mécanisme de la biologie synthétique est ensuite d’insérer les séquences génétiques ainsi construites à l’intérieur d’une souche de bactérie dont on maîtrise bien la culture comme E Coli.
Les technologies de microbiologie industrielles s’améliorent de façon continue :
La souche bactérienne est testée d’abord en boite de Pétri et dans un fermenteur pilote pour tester son activité biochimique.
Elle est ensuite placée dans de grands réacteurs et des biofermenteurs de taille industrielle.
La technologie de la fermentation et de cultures microbiennes s’améliorent rapidement en matière d’efficacité et des modalités de production.
Les améliorations technologiques portent aussi sur l’amélioration de l’efficience pour les apports nutritifs :
L’apport en carbone et énergie avec notamment l’utilisation des résidus comme les mélasses, lactosérum, les déchets agricoles et alimentaires.
L’azote avec notamment l’utilisation des déchets de l’industrie de l’amidon.
Les facteurs de croissance et les vitamines avec notamment des extraits de levure, les huiles végétales et les farines de graines oléagineuses.
Les sels minéraux comme le phosphore, potassium, le magnésium, le fer le calcium, cuivre, zinc.
Les technologies de filtration et d’extraction en fin de cycle s’améliorent aussi pour isoler et extraire de manière efficiente les produits actifs souhaités.
Les microbes représentent grâce à cette révolution technologique un véritable «game changer» pour la transition climatique.
Ce potentiel décuplé permet d’envisager de trouver des solutions innovantes pour de nombreux problèmes de notre environnement pour lesquels nous n’avions pas encore de solutions.
Aujourd’hui nous sélectionnerons quelques thèmes et quelques exemples où les micro-organismes représentent une solution faisant la différence pour l’environnement. Nous les illustrerons avec un exemple de startup dans chacun de ces domaines.
Les premières solutions révolutionnaires offertes par les microbes pour l’environnement :
La dépollution, le recyclage et la circularité :
La dépollution des sols par des bactéries capables de cibler des toxines spécifiques pour les concentrer ou les dégrader ( par exemple métaux lourds (arsenic, cadmium, mercure), dioxine, pesticides). (Exemple de startup CustoMem).
La récupération et le recyclage des métaux rares dans les batteries et appareils électroniques. Notre économie moderne à forte croissance dans ces domaines doit en effet trouver des solutions efficaces et environnementales pour le recyclage des batteries et des métaux rares. (Exemple de travaux de recherche à l’INSA de Lyon).
La dégradation et recyclage de plastique et de textile. La pollution et le non recyclage des matériaux de la chimie moderne (plastiques ,nylon ,polyester etc) est un des sujets environnementaux les plus lancinants et les nouvelles solutions biotechnologiques semblent prometteuses. (Exemple de start Up Epoch Biodesign).
La production alimentaire avec une faible empreinte sur notre environnement :
Les microbes peuvent permettre de produire exactement les protéines que l’on consomme par exemple de véritables protéines de lait et d’œufs sans avoir recours aux animaux. Cela peut être étendu à d’autres protéines et ingrédients alimentaires. (Exemple de startup Bon Vivant ou Standing Ovation).
Les protéines pour les élevages à partir de micro-organismes pour éviter d’utiliser les farines de soja ou les farines de poissons. (Exemple de startup Microharvest et une startups utilisant les algues pour produire des aliments pour bétail réduisant les émissions de méthane du cheptel Provectus algae).
Les microbes peuvent permettre d’éviter l’usage d’engrais ou pesticides. (Exemple de start Up permettant de fournir de l’Azote grâce à des bactéries Pivotbio).
S’habiller de manière plus durable :
La création de pigments et de fibres utilisant les cultures de micro-organismes. (Exemple de startups protiva.bio).
L’énergie et le carbone :
La capture de carbone et la production de biofuels en utilisant les bactéries ou les algues. (Exemple de start Up sur la capture de carbone avec les algues Algal Earth)
La capture de méthane par les bactéries pouvant convertir le méthane en CO2 et biomasse ou autres produits utiles comme par exemple les engrais. (Exemple de start Up Windfall Bio).
Les matériaux produits biotechnologiquement :
Le ciment produit à partir de sable injecté de bactéries et alimenté en ions de calcium pour se solidifier grâce à l’action des bactéries. (Exemple de startups bioMASON).
Les bioplastiques produits grâce à plusieurs technologies comme par exemple la captation d’émissions sur les sites (usines, décharges, centrales) pour recombiner le carbone avec de l’hydrogène et de l’oxygène pour produire un polymère d’origine végétal. (Exemple de startups Newlight Technologies).
Nous venons donc d’introduire une sélection de projets et de développements qui sont clairement des solutions de rupture permettant de résoudre les grands problèmes de l’énergie, l’alimentation, les matériaux, la dépollution.
Nous pouvons voir des investissements croissants dans ce domaine des technologies de bio fermentation. Le nombre de projets et de startups est considérable ce qui est très encourageant.
Nous continuerons à suivre et partager dans nos articles les développements sur ces technologies. Celles-ci ont encore besoin d’investissements et de temps pour devenir vraiment rentables et avoir l’échelle et la capacité suffisante pour permettre un impact décisif dans la bataille contre le réchauffement climatique et contre la dégradation de la biodiversité.
Bonne semaine
Philippe
Https://o2nature.substack.com