Comment les drones et les robots vont-ils contribuer à la transition et à l’adaptation climatique ?
The Nature Letter on Sunday #038 - Les drones et les robots, grâce à leur agilité et leur technologies embarquées, vont permettre d’accélérer les efforts pour la transition climatique
Nous sommes informés quotidiennement du rôle des drones dans les conflits armés en cours. Ils sont maintenant considérés comme révolutionnaires sur le champ de bataille et ils transforment profondément les méthodes militaires.
Les drones et les robots sont en effet des instruments d’une agilité et d’une rapidité remarquable. Ils peuvent parcourir et agir sur une surface et un volume très important avec très peu de contraintes et dans tous les milieux (air, terre, mer). Ils peuvent bénéficier aussi de toutes les avancées de l’intelligence artificielle et des techniques de miniaturisation de l’électronique et optronique embarquées.
Ces capacités peuvent certainement nous aider à accélérer sur la transition climatique et sur notre adaptation climatique.
Nous allons explorer les usages qui commencent à émerger pour les drones et les robots puis imaginer les développements futurs de ces engins.
Notre article est long et détaillé car le développement des drones et des robots est absolument foisonnant et représente un caractère transformant ( “ game changer”) pour nos efforts de lutte contre le réchauffement et de transition et adaptation climatique.
Quels sont les usages émergents des drones et des robots pour la transition et l’adaptation climatique ?
Il y a en fait une explosion impressionnante de l’utilisation des drones dans les secteur de la transition climatique. Ils sont maintenant proposés sur une panoplie d’usages très importants.
Le premier rôle des drones s’est établi autour du diagnostic et la surveillance
Les drones sont des outils clés pour mieux comprendre, anticiper et s’adapter aux effets du changement climatique, tout en favorisant une transition écologique plus efficace, basée sur les données.
Ils bénéficient de l’apport des technologies les plus modernes en matière d’optique et de capteurs :
Les Optiques et caméras
Les caméras RGB (visibles) :
Elles sont utiles pour les photos/vidéos haute résolution pour la cartographie, la surveillance de la déforestation, l’érosion, l’urbanisation.
Elles permettent la détection visuelle des changements de couverture végétale.
Les caméras multispectrales :
Elles captent plusieurs bandes de longueurs d’onde dans le visible et le proche infrarouge.
Elles sont utilisées pour calculer des indices comme le NDVI (Normalized Difference Vegetation Index) qui permet d’évaluer la santé de la végétation.
Les caméras hyperspectrales :
Elles mesurent des centaines de bandes spectrales très fines.
Elles permettent d’identifier précisément les espèces végétales, le stress hydrique, la composition des sols, ou encore la pollution.
Les caméras thermiques (infrarouge thermique)
Elles détectent les différences de température.
Elles sont pratiques pour suivre les stress hydriques, les fuites d’eau, les incendies de forêt, ou encore la température des bâtiments (efficacité énergétique).
Les Capteurs actifs
Les LiDAR (Light Detection and Ranging)
Ils envoient des impulsions laser pour mesurer la distance et produire des modèles 3D très précis.
Ils sont utiles pour cartographier la topographie, la canopée forestière, le volume de biomasse, ou les infrastructures (routes, digues…).
Les radars (ex. SAR - Synthetic Aperture Radar)
Ils peuvent fonctionner de jour comme de nuit et à travers les nuages.
Ils sont idéaux pour suivre les changements de surface (glissements de terrain, mouvements de glaciers, humidité des sols)
Les capteurs environnementaux embarqués
Les capteurs de gaz :
Ils mesurent des gaz comme CO₂, CH₄, NOx.
Ils permettent de surveiller les émissions des zones industrielles, les fuites de méthane ou la qualité de l’air.
Les capteurs de particules fines (PM1, PM2.5, PM10) :
Ils évaluent la pollution atmosphérique locale.
Les capteurs météorologiques miniaturisés :
Ils mesurent Température, humidité, pression, vitesse du vent.
Ils fournissent des données microclimatiques utiles pour la modélisation climatique.
Les drones deviennent ainsi essentiels dans un certain nombre de missions clefs
1. Surveillance environnementale :
Les drones et robots permettent une collecte rapide, précise et régulière de données environnementales :
Surveillance des forêts, des glaciers, des zones côtières ou agricoles, des océans.
Suivi de la déforestation, de l’érosion, de la biodiversité, ou de la montée des eaux.
Détection de changements climatiques locaux et de risques naturels (inondations, glissements de terrain, etc.).
Surveillance des infrastructures industrielles ou énergétiques ( raffineries, usines ) ainsi que les infrastructures ( pipelines , réseaux )
2. Agriculture durable et intelligente
Les drones et les robots aident à rendre l’agriculture plus résiliante face au changement climatique :
Robots terrestres pour surveiller la santé des sols, des cultures et des écosystèmes, détecter les maladies des plantes, ou cartographier la déforestation.
Suivi de l’hydratation des plantes pour anticiper les effets du stress climatique (sécheresse, canicule).
Précision accrue des paramètres ambiants et des sols pour des pratiques agricoles plus durables.
Capteurs robotiques pour optimiser l’irrigation et la fertilisation, évitant le gaspillage d’eau et d’engrais.
3. Gestion des catastrophes naturelles
Les drones sont utilisés lors de catastrophes :
Évaluation rapide des zones sinistrées.
Aide à la planification de la reconstruction résiliante.
Surveillance des feux de forêt pour guider les interventions.
4. Urbanisme et infrastructures résiliantes
Aide à la planification urbaine face aux aléas climatiques (îlots de chaleur, inondations, etc.).
Inspection et maintenance des infrastructures énergétiques et de transport.
Collecte de données pour des projets de villes intelligentes («smart cities») durables.
5. Énergies renouvelables
Inspection et surveillance de parcs solaires ou éoliens (terrestres ou offshore).
Optimisation de l’entretien et détection de pannes.
Réduction des coûts et de l’empreinte carbone des opérations.
Le rôle des drones et des robots se développe aussi pour des véritables missions opérationnelles.
Les drones et les robots ne sont en effet pas de simples observateurs. Ils peuvent être des acteurs opérationnels de la transition climatique, grâce à leur capacité d’intervention rapide, ciblée et à faible impact.
Leur usage évolue rapidement vers des missions autonomes et intelligentes, au service d’une action climatique plus agile et efficace.
1. Reforestation automatisée :
Drones planteurs de graines : ils peuvent disperser des milliers de graines par jour dans des zones difficiles d’accès.
Ces drones identifient les meilleurs emplacements à l’aide de capteurs, puis larguent des capsules biodégradables contenant graines et nutriments.
2. Agriculture de précision et éco-intervention :
Pulvérisation ciblée (engrais biologiques, biopesticides) pour réduire l’usage de produits chimiques.
Irrigation ciblée pour économiser l’eau.
Épandage localisé d’amendements organiques.
Robots agricoles capables de désherber mécaniquement sans herbicides, réduisant ainsi la pollution.
Robots trieurs dans les centres de traitement de déchets ou sur les plages pour collecter plastiques et autres polluants, évitant qu’ils finissent dans les écosystèmes.
3. Lutte contre les feux de forêts et interventions sur les catastrophes :
Largage de produits retardants sur des zones à risque.
Déclenchement contrôlé de feux préventifs pour créer des coupe-feux.
Appui aux équipes au sol pour lutter activement contre la propagation.
Robots de recherche et sauvetage pour intervenir en zones sinistrées où les humains sont en danger.
Soutien à la logistique humanitaire (transport ciblé en zone difficile) .
4. Construction et maintenance vertes :
Utilisation de drones pour installer ou inspecter des panneaux solaires, des éoliennes, ou des toitures végétalisées.
Intervention dans des zones difficiles d’accès pour effectuer de petites réparations ou livrer des pièces de maintenance.
Pose de capteurs pour optimiser l’efficacité énergétique de bâtiments ou réseaux.
5. Soutien à la biodiversité :
Dissémination de micro-organismes bénéfiques dans des zones agricoles ou naturelles.
Robots aquatiques qui restaurent des récifs coralliens en déposant des larves de coraux.
Réensemencement de plantes indigènes ou mellifères pour soutenir les insectes pollinisateurs.
Largage de nourriture ou matériel pour des espèces vulnérables affectées par les changements climatiques.
Comment pouvons nous imaginer l’usage massif et autonome de systèmes sophistiqués de drones et de robots ?
Nous pouvons repartir de l’analogie militaire où l’on voit l’apparition d’usages de binômes voir d’essaims de multiples drones coordonnés entre eux de manière autonomes permettant d’atteindre des objectifs sans aucune commune mesure avec ceux réalisés par des simples drones isolés pilotés de manière unitaires.
Nous imaginons donc que les usages de drones vont évoluer vers une massification et autonomisation des drones et des robots qui agiront souvent en groupe pour réaliser des tâches faisant véritablement la différence sur le terrain.
Nous pouvons ainsi anticiper une vision structurée de ce que pourrait être les usages ’dans le secteur de la transition et l’adaptation climatique :
1. Des systèmes autonomes à large échelle pour la restauration écologique :
Reforestation intelligente automatisée :
Des essaims de drones terrestres coordonnés pourraient restaurer des forêts entières avec une efficacité inégalée, en déposant des graines adaptées à la topographie, au climat et à la biodiversité locale, avec surveillance post-plantation.Restauration d’écosystèmes marins :
Drones navals opérant de manière autonome dans les zones côtières ou récifales pour :Replanter des herbiers marins et coraux.
Retirer des déchets plastiques.
Injecter des agents de réparation biologique (symbiotes microbiens, spores, etc.).
2. Des plateformes d’intervention climatique basées sur l’intelligence artificielle
Les drones ne seront plus de simples exécutants mais des agents intelligents capables d’analyser en temps réel les conditions environnementales et de décider de manière autonome de l’action la plus appropriée (planter, irriguer, alerter, réparer…).
Coordination avec des jumeaux numériques environnementaux pour tester virtuellement l’impact de leurs interventions avant action réelle ( drones simulateurs) .
3. Atténuation directe du changement climatique :
Séquestration active de carbone :
Drones terrestres : cultures de biomasse, gestion de sols enrichis en carbone (biochar, compost, etc.).
Drones navals : fertilisation contrôlée des océans pour stimuler le puits de carbone marin (ex. croissance du phytoplancton).
Géo-ingénierie douce et localisée :
Drones marins pour tester la gestion de l’albédo océanique (mousse de surface, micro bulles).
Drones terrestres pour tester des dispositifs de brume de refroidissement dans les villes ou zones agricoles.
4. Maintenance des infrastructures bas carbone :
Surveillance et réparation autonome de :
Réseaux solaires (photovoltaïques au sol ou flottants).
Eoliennes marines ou terrestres.
Digues, stations de pompage, et autres infrastructures d’adaptation (anti-sécheresse, anti-crue).
5. Alerte précoce, réponse rapide, protection des populations :
Drones de surface et robots terrestres intégrés aux systèmes d’alerte climatique :
Déploiement rapide après une tempête, inondation ou incendie.
Cartographie en direct des zones sinistrées.
Livraison de matériel, assistance aux secours.
Utilisation dans la gestion adaptative des territoires :
Barrages naturels mobiles.
Systèmes de drainage robotisés.
Contrôle de l’érosion ou de la montée des eaux.
Quelles sont les actions nécessaires pour permettre aux drones et aux robots de pleinement contribuer à la transition climatique ?
Les drones et les robots pour la transition climatique sont des dispositifs technologiques innovants qui bénéficieront à plein du développement de socles communs pour l’industrie des drones et des robots dans leur ensemble (applications civiles et militaires).
Le premier moteur est la mobilisation d’un éco système vibrant et dynamique de start-ups. Nous pouvons constater des développements importants dans ce domaine avec quelques exemples :
Drones terrestres (aériens & terrestres autonomes) :
Beyond Vision (Portugal) : développe des drones terrestres/hybrides pour l’agriculture de précision, la prévention des incendies et l’inspection d’infrastructures grâce à l’IA et à des vols entièrement autonomes .
WeRobotics (Suisse/USA) : ONG spécialisée dans des “Flying Labs”, déploie des drones civils pour des applications sociales, y compris la reforestation, la surveillance des écosystèmes et la lutte anti-incendies dans le Sud Global .
Inverto (Suisse) : utilise des drones pour prélever des échantillons, sélectionner des sites, relâcher des graines (notamment de palétuviers) et soutenir ainsi les initiatives de restauration de la biodiversité .
Dryad Networks (Allemagne) : lance le projet Florian, combinant capteurs au sol et flotte de drones autonomes pour la prévention et extinction des feux de forêt .
Dendra Systems (UK) : développer des drones d’analyse d’éco-systèmes et planteurs de graines pour la reforestation massive et la restauration des éco-systèmes.
KiDrone (Canada) : grande envergure ; drones lourds équipés d’IA pour disperser jusqu’à un million de graines lors d’une mission, avec enrobage protecteur et sélection d’espèces .
Drones navals (robots de surface et sous-marins) :
Ulysses Ecosystem Engineering (Irlande) : drones marins autonomes à bas coût pour restaurer les herbiers marins, réduisant les coûts de 10× et élargissant les projets 100× plus vite .
Liquid Robotics (USA, filiale Boeing) : conçoit le Wave Glider, un robot de surface auto-propulsé par les vagues et le soleil, utilisé pour la collecte de données océanographiques et climatiques .
Saildrone, Inc. (USA) : exploite une flotte de drones de surface pour la recherche océanique et climatique, en collaboration avec NOAA, NASA, universités et centres de recherche .
Seasats : constructeur de bateaux drones autonomes (Lightfish), propulsés à l’énergie solaire, pour la surveillance maritime, la cartographie d’huiles et la protection de l’environnement marin .
Ce développement important de start-ups doit être accompagné d’autres actions clefs pour le changement d’échelle sur le secteur des drones et des robots :
L’adossement des start-ups innovantes à des constructeurs industriels sera critique pour permettre la mise en place d’usages massifs et développer des plateformes industrielles de production de masse.
L’inclusion de la technologie des drones et des robots dans les politiques et les plans publiques, régionaux et des coopératives :
L’intégration dans des programmes nationaux ou municipaux :
Plan drone-climat dans les plans d’adaptation nationaux et régionaux.
Coopératives locales de drones pour l’agriculture durable.
Normes climatiques intégrant des indicateurs de “performance drone”.
Utilisation dans des modèles de “climate services” automatisés pour les collectivités rurales, côtières ou vulnérables.
L’adoption et l’intégration par le secteur des drones et des robots des améliorations considérables fait sur l’industrie des batteries pour augmenter l’autonomie et la performance.
Le développement et la mise en place d’une réglementation et d’usages concernant :
Le vol aérien à faible altitude pour prévenir les accidents et les encombrements du ciel.
La protection de la vie privée compte tenu des risques d’intrusion dans celle-ci par la multiplication des drones volant à proximité ou au-dessus des zones habitées.
Le développement d’efforts de normalisation et de qualité sur les données produites par les drones et les robots et leur intégration dans les modèles utilisés pour le suivi du climat.
La mise en place de plateformes de location et/ou mutualisation pour permettre des investissements et des usages partagés de ces flottes de drones (coopérative agricole par exemple, projets de reforestations etc)
En conclusion, nous pouvons retenir que :
Les drones et les robots ont un potentiel considérable pour notre transition compte tenu de leur capacité de mouvement combiné à leur potentiel de surveillance et d’action.
Le développement rapides des drones et leur massification et autonomisation qui se profilent à moyen terme pourraient avoir un impact positif significatif sur l’accélération des efforts de transition et d’adaptation climatique.
Ce développement s’appuiera sur un vivier important de start-ups et des partenariats avec des acteurs industriels experts dans la production industrielle de masse.
Les améliorations rapides des socles technologiques des drones militaires et de leur massification bénéficieront également au secteur civil et notamment celui de la transition climatique.
Le développement des drones et des robots bénéficiera aussi des progrès massifs faits dans les batteries électriques permettant l’amélioration de leur autonomie et capacité.
La technologie des drones et des robots sera aussi renforcée par leur inclusion et adoption dans les politiques publiques et de leur usage par les collectivités.
Les efforts de mise en place d’un cadre réglementaire adapté pour l’espace aérien et pour la protection de la vie privée.
Nous suivrons donc l’adoption progressive des drones et des robots pour la transition climatique et vous rendrons compte des progrès qui seront faits dans ce secteur prometteur.
Bonne semaine
Philippe
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